Le livre, que je vous présente dans cet article, n’a rien d’une romance contemplative. 342 heures dans les Grandes Jorasses de René Desmaison, c’est une plongée vertigineuse dans l’alpinisme de l’extrême et le récit d’un sauvetage des plus chaotiques.

Je pense que pour mieux comprendre la montagne, parfois dans sa version la plus sombre et la plus brutale, il faut s’intéresser aux personnes qui ont marqué son Histoire. La gestion des secours en montagne a évolué profondément suite à ce drame.

Si ce livre vous intrigue déjà, je vous recommande de plonger dans ses pages avant de lire cet article. Mon ressenti révélera des éléments clés de l’histoire.

INFOS PRATIQUES

TITRE complet : 342 heures dans les Grandes Jorasses
AUTEUR : René Desmaison
EDITIONS : Montagne en poche – Hoebeke                                    > ANNEE : 1996

PAGES : 170                                                                                         

> RESUME : 

Le 11 février 1971, René Desmaison entreprend avec Serge Gousseault une grande première hivernale sur la face nord des Grandes Jorasses : la voie directe qui mène à la pointe Walker        (4 208 mètres).

L’ascension se révèle difficile, la neige tombe sans discontinuer, les cordes sont très endommagées par des chutes de pierres, les pitons manquent.

Le 15 février, à trois cents mètres du sommet, Serge Gousseault montre des signes de faiblesse alarmants. Désormais chaque mètre gagné est un combat. Les bourrasques et le froid glacial épuisent l’homme qui meurt le 22 février.

René Desmaison sera sauvé in extremis au quinzième jour.

En son temps, ce drame des Grandes Jorasses souleva une vive polémique sur les secours en montagne.

Ce récit exceptionnel reste un hymne à l’ascension, une leçon de solidarité et un poignant témoignage sur la vulnérabilité de l’alpiniste face aux éléments.

QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR

René Desmaison est né le 14 avril 1930 en Dordogne et mort le 28 septembre 2007 à Marseille. Il est guide de haute montagne et alpiniste de haut niveau. « René Desmaison a réalisé la plupart des exploits qui ont marqué l’alpinisme des années 1960 et 1970. Il a inauguré l’ère des grandes hivernales en réussissant en 1957 la première ascension de la face ouest des Drus » *.

Auteur de plusieurs ouvrages, tels que Les Grimpeurs de murailles et Au royaume des montagnes, René Desmaison a également été scénariste de plusieurs films.

Personnage controversé, il est au centre de plusieurs polémiques créant des tensions au sein de la communauté des guides, concernant l’enquête du crash du vol 101 d’Air India, le sauvetage des Drus, la réalisation d’une campagne publicitaire au sommet du Mont-Blanc et enfin ce drame dans les Grandes Jorasses.

* extrait du livre de René Desmaison – 4ème de couverture

MON AVIS sur 342 heures dans les Grandes Jorasses

 

Il existe des livres qui captivent, provoquent et poussent à la réflexion. C’est exactement ce que j’ai ressenti en lisant 342 heures dans les Grandes Jorasses de René Desmaison. J’ai découvert son œuvre un peu tardivement mais une chose est sûre : si il avait été encore parmi nous, je l’aurais contacté pour lui poser quelques questions.

342 heures dans les Grandes Jorasses relate le drame qui a marqué l’ascension de l’éperon Walker, menée par René Desmaison et Serge Gousseault. Dès les premières pages, le décor est planté par les dédicaces de l’auteur, l’une en hommage à Serge Gousseault décédé au cours de cette aventure,  et l’autre pour Alain Fréhault le pilote d’hélicoptère qui a secouru René Desmaison.

Ce livre constitue la version des faits de ce drame par René Desmaison. J’ai l’impression qu’il a écrit ce livre pour lui et non pour les lecteurs. Je découperai ce récit en trois grandes parties.  

PARTIE 1 : une performance ensemble

Tout commence en 1970 avec la rencontre entre Serge Gousseault et René Desmaison. Serge,  jeune guide de 23 ans, vient de terminer 3ème de son stage. Il souhaite faire une course hivernale avec René Desmaison. En février 1971, ils se retrouvent pour établir le programme de leur ascension. Leur première intention est de gravir l’éperon central des Grandes Jorasses dont l’hivernale reste à faire. D’autres alpinistes décident de faire cette course, c’est pourquoi, ils changent leur plan pour la face nord de l’éperon Walker toujours des Grandes Jorasses.

Personnellement, je n’accroche pas vraiment au style rédactionnel de René Desmaison, qui met d’avantage l’accent sur la performance technique que sur la beauté de la montagne. Il n’y a qu’un moment consacré à la description du paysage lorsque Serge Gousseault s’extasie de la beauté de la montagne. Cela dit, Desmaison a le mérite de ne pas minimiser la difficulté de leur ascension. Je n’ai à aucun moment ressenti l’envie de suivre leurs pas pour gravir à mon tour les Grandes Jorasses 😂. 

PARTIE 2 : Serge se sent mal …

Les premières véritables difficultés commencent le 12 février avec l’arrivée de la neige et la glace qui ralentissent leur progression. Le matériel commence à montrer des signes d’usure: les cordes se détériorent à cause des frottements sur les parois et des broches se brisent.

René Desmaison contacte chaque jour sa femme, Simone, tant pour faire un point météo que pour donner de leurs nouvelles. Après une avalanche, la radio est coupée plongeant les deux hommes dans un isolement total.

La fatigue commence à ronger Serge Gousseault. Il accumule les erreurs : il perd son piolet et néglige souvent de porter ses gants, grimpant à mains nues sur la glace. Ses mains, sérieusement abîmées et enflées, sont atteintes de gelures, à tel point qu’elles finissent en lambeaux. Les pitons commencent à manquer car le jeune guide n’est plus capable de les extraire de la paroi. Serge est épuisé et ne parvient plus à grimper sans l’aide de René Desmaison. Il ne sent plus ses mains et finit même par refuser d’avancer.

René Desmaison semble faire preuve de beaucoup de respect pour son ami face à ses faiblesses. Je trouve que le calme apparent de Desmaison ne correspond pas à l’image de l’homme entier que l’on décrit dans la presse. Comment peut-il garder un tel self contrôle sur ses émotions alors que la situation devient désespérée et que son partenaire met leur survie en péril. 🤔 Personnellement, j’aurais été au bord de la crise de nerf. 

PARTIE 3 : un sauvetage chaotique

Bien que René Desmaison attribue son sauvetage au pilote d’hélicoptère Alain Fréhault, il est indéniable que sa femme Simone a joué un rôle crucial en multipliant les tentatives pour leur envoyer des secours. Le 20 février, un vol de reconnaissance est organisé, durant lequel, l’équipe de l’hélicoptère communique par geste avec Desmaison. Ce dernier ne comprend pas les gestions de l’aviation.  Les passagers de l’hélico évaluent que tout va bien pour les deux alpinistes et qu’ils vont poursuivre leur ascension. “Ce jour-là, je n’ai effectivement pas fait le geste du secours en montagne” admet René Desmaison, tout en étant convaincu que les secouristes avaient perçu leur situation critique.

Serge Gousseault finit par succomber au froid et à l’épuisement, quelques dizaines de mètres sous le sommet. La date précise du décès de Serge Gousseault reste incertaine.  Lors de l’enquête de police, René Desmaison avance le 18 février, mais dans son livre, il mentionne le 22 février. Il se dit que cette incertitude de date aurait pour conséquence d’attribuer le décès de Serge au manque de réactivité des secours. 🤔

René Desmaison reste accroché sur la paroi, près du corps de son compagnon, visiblement en état de choc. A partir de ce moment-là, le récit bascule, rapportant les faits d’après les informations fournies par Simone. Un second vol est organisé, mais une nouvelle fois, les autorités assurent à Simone que tout va bien. Les conditions météorologiques se détériorent, rendant impossible l’envoi de nouveaux hélicoptères pendant plusieurs jours à cause des vents violents.  Simone comprend que l’erreur est de ne pas avoir envoyé de secours à pied pour rejoindre René & Serge.  Le président des secours de Chamonix refuse par ailleurs l’aide d’équipes extérieures, affirmant : “Être un grand alpiniste ne suffit pas pour être un bon sauveteur.

Affaibli, sans vivres et exposé aux éléments avec pour seule protection la toile de sa tente, Desmaison attend un sauvetage qui tarde à venir. C’est finalement Alain Fréhault, basé à Grenoble, qui démontrera qu’il est possible de poser un hélicoptère au sommet des Grandes Jorasses, alors que les équipes de Chamonix considéraient cela impossible en raison des vents. Peu après, un autre hélicoptère finit par se poser et 5 guides sont acheminés au sommet pour procéder au secours de René Desmaison. Il est amené à l’hôpital dans un état d’épuisement extrême. 

Je me suis sentie profondément mal à l’aise pendant toute cette partie consacrée au sauvetage de René Desmaison. Seuls les proches semblent s’activer pour son sauvetage, face à l’inertie des autorités. 

Deux ans plus tard, Desmaison retournera sur la face nord de l’éperon Walker, terminant les 80 mètres manquants de l’ascension, et baptisant cette voie “la voie Gousseault” en hommage à son compagnon disparu.

Le drame des Grandes Jorasses en vidéos

UNE POLEMIQUE DE TROP MENE A LA L’EVOLUTION DU SECOURS EN MONTAGNE !

René Desmaison, figure médiatique, était convaincu que les moyens déployés pour son sauvetage étaient insuffisants. Dans son livre, il écrit : “Il serait peut-être grand temps de laisser la montagne aux alpinistes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, et les opérations de sauvetage aux plus qualifiés d’entre eux.” À l’époque, les interventions de secours en montagne étaient menées conjointement par des guides et des gendarmes.

Dans les années 1970, face aux polémiques autour de certains sauvetages, l’idée de séparer la gestion des secours des enjeux politiques locaux gagne du terrain.

En 1971, une réorganisation majeure voit le jour : la gestion des opérations de sauvetage en montagne est confiée exclusivement à la gendarmerie. Cette évolution est en partie une réponse à plusieurs incidents tragiques marqués par une mauvaise coordination des secours. L’affaire Vincendon et Henry, entre autres, a accéléré cette transformation, menant à la création du PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) à Chamonix.

L’objectif est d’assurer une plus grande neutralité et une meilleure efficacité des opérations. En 1971, le PSHM (Peloton de Secours en Haute Montagne) est donc rebaptisé PGHM, marquant l’entrée définitive de la gendarmerie dans la gestion des secours en montagne, et renforçant leur rôle dans le massif du Mont-Blanc.

QUE FAIRE EN CAS D’ACCIDENT EN RANDONNEE ? 

accident

Un accident en montagne est bien. entendu ce que l’on redoute le plus lors d’une sortie en randonnée ou en pleine nature. Le risque zéro n’existe malheureusement pas en montagne.

Néanmoins, nous pouvons réduire les risques d’accidents en adoptant quelques principes et en s’équipant correctement. Il est essentiel de savoir comment réagir en cas d’incident afin de ne pas aggraver la situation tant pour vous que vos compagnons de randonnée.

👉 Découvrez les 4 étapes à suivre pour agir correctement en cas d’accident en randonnée en cliquant sur le lien de l’affiche : Que faire en cas d’accident en randonnée. N’hésitez pas à l’imprimer et à l’afficher !

* Merci à Thierry Tuaz pour le partage des photos des Grandes Jorasses

error: Content is protected !!